Né à North East Margaree en 1893, James Arthur Murphy était le fils de James et de Julia (Coady) Murphy, des fermiers d’ascendance irlandaise catholique. Quatrième enfant d’une famille de huit, il a commencé à travailler dans une mine de charbon à l’âge de 16 ans. Il a plus tard repris ses études et fréquenté l’Université St. Francis Xavier et le Collège militaire royal à Kingston en 1915. En mars 1916, il s’est joint au 59e Bataillon en tant que lieutenant et prit la mer à bord du S.S. Olympic pour se rendre en Angleterre le mois suivant.
UNE VIE EN PHOTOGRAPHIES
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Membres de la famille Murphy de North East Margaree
AU DELÀ DES RIVAGES DU CAP-BRETON
Des plus de 619 000 Canadiens qui se sont joints au Corps expéditionnaire canadien au cours de la Première Guerre mondiale, plus de 425 000 se sont rendus outremer, dont plus de 61 000 qui n’en sont jamais revenus. Parmi ceux qui ont servi, environ 36 000 étaient de la Nouvelle-Écosse, et on croit qu’environ 4 500 d’entre eux sont morts à la guerre. On s’attendait à ce que ceux qui avaient survécu reprennent la vie civile, mais, pour un grand nombre d’entre eux, la transition s’est avérée difficile. Certains ont eu de la difficulté à trouver du travail, alors que d’autres ont souffert des conséquences de blessures physiques et psychologiques.
Les hommes qui se sont portés volontaires pour se joindre au Corps expéditionnaire canadien provenaient de différents milieux. Issus de régions rurales ou de centres urbains de tout le pays, ils étaient médecins, dentistes, commis, fermiers, pêcheurs, mineurs ou étudiants. La plupart étaient des Britanniques récemment immigrés ou des hommes d’origine britannique, mais il y avait également des hommes d’origines ethniques diverses (y compris des descendants d’Acadiens, de Mi’kmaq et d’Afro-néo-écossais). Ils avaient entre 18 et 45 ans (sauf quelques exceptions) et étaient généralement célibataires, religieux et peu éduqués. Certains avaient déjà une expérience dans la milice, mais un grand nombre n’en avait pas.
Pour servir outremer, des milliers de Canadiennes et de Canadiens ont quitté leur collectivité, leur demeure, leur famille et leurs amis. Leur vie en serait à tout jamais changée, y compris celle de James Arthur Murphy de Northeast Margaree.
DANS LES TRANCHÉES
« Je ne veux pas faire croire que je suis un héros. Là-bas, les héros sont en train de pousser des marguerites hors de terre. » – James Arthur Murphy, lieutenant
Une fois en Angleterre, James a passé plusieurs mois à enseigner la culture physique et le maniement de la baïonnette, mais il avait hâte d’arriver en France pour se joindre aux combats sur le terrain. En octobre, ses démarches ont porté fruit, et il fut transféré au 46e Bataillon (Saskatchewan Sud), ce qui avait été organisé par le lieutenant-colonel Dawson, un ancien professeur de James au Collège militaire royal de Kingston.
Le 46e était un bataillon particulièrement agressif qui est devenu célèbre sous le nom de « bataillon suicidaire » en raison de son taux élevé de pertes : 1 133 tués et 3 484 blessés —un taux de victimes de 91,5 p. 100 — au cours de ses 27 mois d’activité. À l’automne de 1916, le bataillon a été envoyé à l’offensive de la Somme le long de la rivière de la Somme en France. Le 10 novembre 1916, James était là quand le bataillon a attaqué les Allemands à la tranchée Regina près de Courcelette. Reconnue comme étant la capture de la tranchée Regina, cette attaque a marqué la fin de l’offensive de plusieurs mois, et elle devait s’avérer l’une des batailles les plus sanglantes et les plus catastrophiques de la guerre.
Trois mois plus tard, aux petites heures du matin du 13 février 1917, James a été blessé lors d’un grand assaut de sa brigade à Souchez, un village à près de trois kilomètres au nord-ouest de la crête de Vimy. Dirigée par le lieutenant-colonel R.D. Davies, commandant du 44e Bataillon, la brigade regroupait des officiers subalternes et des soldats de chacun de ses 4 bataillons (les 44e, 46e, 47e et 50e), pour un total de 320 hommes. Visant à détruire les tunnels de l’ennemi que les Allemands avaient construits dans le cadre de leurs vastes défenses à la crête de Vimy, l’attaque est survenue pendant la période qui a culminé à la bataille de la crête de Vimy au mois d’avril 1917. Les Canadiens avaient trois lignes de tranchées ennemies à traverser. La bataille fut féroce, et les victimes nombreuses. Trente-et-un Canadiens ont été tués lors de l’attaque, alors que de nombreux autres ont été blessés, dont James. Il y subit une très grave blessure — fracture ouverte de l’humérus, le long os qui va de l’épaule au coude — au bras gauche, et on l’a retiré du champ de bataille pour des soins médicaux.
Après l’attaque, le lieutenant-colonel Dawson a recommandé James pour qu’on lui décerne la Croix militaire, ce qui a été approuvé au mois d’avril 1917 pour « bravoure insigne et dévouement au devoir. Il a su rallier plusieurs groupes d’attaquants à un moment crucial. Il a fait preuve d’une grande bravoure devant l’ennemi à tout moment et, bien que blessé, il a, par ses efforts et par son exemple fourni une aide précieuse pour la réussite de l’opération. » James a reçu sa Croix militaire des mains du roi George V lors d’une cérémonie d’investiture au palais de Buckingham le 30 juin 1917.
Après cinq mois dans des hôpitaux en France et en Angleterre, James a été rapatrié au Canada au mois de juillet 1917 pour d’autres traitements dans des hôpitaux militaires à Halifax (Camp Hill) et à Sydney (hôpital City et hôpital militaire Moxham pour convalescents). En mai 1919, il est brièvement affecté au dépôt militaire de la région de Montréal, puis renvoyé à Halifax où il a été démobilisé en juillet 1919.
Visionner des extraits du dossier de service de James au sein du Corps expéditionnaire canadien.
APRÈS L’ANGLETERRE
Après la guerre, James est revenu à la vie civile, une transition qui s’est avérée difficile pour de nombreux hommes. Convaincu qu’il y avait des occasions d’affaires dans le travail de réparation et de construction, il a établi à Sydney en 1918, avec trois autres hommes, la Cape Breton Engineering Works, entreprise qui sera plus tard renommée Moore & Murphy Marine, Mechanical and Structural Engineering. En 1920, il est retourné à l’Université St.-F.-X. où il s’est inscrit à un programme de génie de deux ans dans l’espoir d’obtenir un diplôme de l’Université technique de la Nouvelle-Écosse. Une profonde dépression économique s’installa bientôt dans la région, et la réussite de l’entreprise fut de courte durée. Après la fermeture de l’entreprise, James fut obligé d’aller chercher du travail ailleurs et, comme de nombreux Cap-Bretonais, il a quitté l’île et est déménagé à Boston en 1923.
Il a travaillé en construction à Boston et dans la région pendant plusieurs années avant de déménager à Detroit où il a d’abord travaillé dans une aciérie, puis dans les usines automobiles Ford et Chevrolet. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a travaillé au dépôt de matériel naval à Détroit, après quoi il a travaillé à l’entreprise de pièces automobiles Budd jusqu’à sa retraite en 1961.
À Boston, James a rencontré Elizabeth « Betty » MacDonald de Iona, qu’il épousa en 1924. Le couple a eu cinq enfants : Patricia, Kathleen, Julia, James et Delores. Bien qu’ils aient vécu aux États-Unis pendant près de cinquante ans, les Murphy ont conservé d’étroits liens avec la famille au Cap-Breton, et ils revenaient souvent en visite à l’île, une tradition que les membres de la famille maintiennent à ce jour. James est décédé à Détroit en 1972 à l’âge de 79 ans.
UN HOMME DE MARGAREE
L’histoire de James Murphy raconte la nature changeante de la société canadienne (surtout celle du Cap-Breton) aux premières années du vingtième siècle. Né dans une section rurale de l’île où les possibilités de s’éduquer étaient restreintes, il a cherché du travail (et vraisemblablement un peu d’expérience dans la vie) loin de la ferme familiale. Après avoir travaillé comme mineur de charbon pendant deux ans, il est retourné à l’école avec le soutien de sa famille et a commencé son service militaire en tant que lieutenant. Mais son avancement fut interrompu quand il a été blessé à la guerre et que sa blessure le força à chercher une autre voie. La dépression économique et l’agitation dans le secteur industriel ont rendu la vie difficile dans les années qui ont suivi la guerre, et les tentatives de James de poursuivre son éducation et d’établir une entreprise dans ce climat se sont avérées des échecs. Comme de nombreux autres, il est parti vers les États-Unis en quête de possibilités et de stabilité. Dans ce pays, il s’est marié, a fondé une famille et a travaillé dans les secteurs de l’acier et de l’industrie automobile jusqu’à sa retraite et, ce faisant, s’est forgé un nouveau chemin vers la prospérité pendant une période très agitée, pleine d’incertitudes et de changements.
«Je ne veux pas dire que j'étais un héros.
Les héros poussent des marguerites là-bas.»
James Arthur Murphy
Lieutenant